Circonstances qui ont fait de moi un médecin.
Mon père étant sans fortune et ayant cinq enfans, je ne pouvais prétendre, quoique j'eusse dès l'âge de sept ans manifesté le désir d'être chirurgien, à le devenir, et comme tout annonçait que j'avais une de ces belles voix tant recherchées dans les cathédrales, il est probable que je serais devenu l'un des chantres de la cathédrale d'Amiens#amiens si renommée pour son chant.(1)(1) En Picardie avant la Révolution on disait : Péronne bien gardée, Corbie bien sonné, Amiens bien chantée. Il faut savoir pour ce qui concerne Péronne que cette ville est restée pucelle jusqu'en 1814, et que les barbares du nord ne l'ont occupé qu'à cette époque désastreuse pour la France. Ce qui me porte à le croire, c'est que mon père qui lui-même avait une superbe voix, se proposait de me faire apprendre le plain-chant dont j'avais reçu quelques principes de mon premier maître, et même la musique vocale ; mais un concours de circonstances vint tout à coup changer ses projets et faire de moi un chirurgien puis un médecin. Ces circonstances ont eu une assez grande influence sur le rang que j'ai tenu dans cette science pour qu'on me permette de les exposer.